— Cette notion, d'un emploi courant dans divers domaines, a suscité depuis un siècle une philosophie spécifique, qu'il est judicieux d'appliquer à la spiritualité. — I. Philosophie. — II. Spiritualité.

I. Philosophie.

1. NOTION.

— Le mot valeur, courant en économie, n'a pris droit de cité en philosophie qu'à la fin du siècle dernier. On a fait à Nietzsche l'honneur de l'avoir introduit dans le vocabulaire philosophique. C'est inexact : vingt ans avant qu'il n'emploie ce terme, celui-ci figure déjà chez Franz Brentano, le maître de Husserl, notamment dans sa Psychologie vom empirischen Standpunkt (Psychologie du point de vue empirique, Paris, 1944), Leipzig, 1874. Ce n'est pas Nietzsche qui a influencé ses contemporains, puisqu'il n'était lu d'aucun d'eux (de son vivant, ses oeuvres maîtresses se sont vendues à quelques exemplaires) ; c'est au contraire chez ses contemporains qu'il a trouvé ce terme nouveau, et qu'il l'a incorporé à son oeuvre ; il est d'ailleurs employé par Kant dans le Fondement de la méthaphysique des moeurs et dans la Critique de la Raison pratique, où il invoque même la valeur morale (der moralische Wert). Ce fut d'Autriche que partit le mouvement de la philosophie de la Valeur (Werttheorie), et ce furent les philosophes autrichiens qui, dès avant 1900, systématisèrent cette notion et la développèrent en de vastes traités, notamment Alexius Meinong † 1921 (Psychologische Untersuchungen zur Werttheorie, 1894) et Christian von Ehrenfels † 1932 (System der Werttheorie, 1897). La philosophie allemande n'a pas abandonné ce terme de Werttheorie. Le terme axiologie a été inauguré, semble-t-il, par le philosophe américain Urban (Valuation, its Nature and Laws, 1909). On trouve certes le substantif axia (valeur) chez Épictète, employé au sens philosophique, mais quelquefois seulement, et dans un sens très général. Cependant, si le mot valeur...

[...]