— Désintéressement signifie « détachement de tout intérêt propre » (Littré). L'homme désintéressé est celui qui n'agit pas pour un salaire ou pour son avantage, avec un sentiment égoïste l'attachant à son utilité particulière. D'après ce sens courant des mots, la question du désintéressement spirituel se formule ainsi : le chrétien doit-il agir sans rechercher de récompense et se dégager de tout souci de son progrès vers la perfection et même de son salut ? Dieu nous commande en effet de l'aimer pour lui-même et par-dessus toutes choses, en raison de son infinie bonté. Mais il nous fait aussi espérer la béatitude éternelle et sa grâce pour l'obtenir, mettant sa gloire dans les biens qu'il nous dispense et la rétribution qu'il nous promet. Comment donc concilier cette antinomie de l'amour pur et de l'amour propre ? Ces deux tendances, l'une désintéressée, l'autre intéressée, peuvent-elles coexister dans notre coeur ? Et en ce cas, faut-il s'efforcer de les développer ensemble à tous les degrés de la vie spirituelle ou, au contraire, s'oublier de plus en plus pour s'établir dans la charité ? Seule l'Église peut résoudre selon l'Esprit de Jésus des problèmes aussi délicats. Et comme elle tire sa doctrine de la révélation divine, c'est celle-ci qu'il nous faut d'abord explorer. 551 1. La donnée de l'ancien Testament. — 2. La solution de l'Évangile. — 3. La doctrine des Apôtres. — 4. L'apport de la sagesse grecque. — 5. Le désintéressement du gnostique. — 6. L'eudémonisme augustinien. — 7. Le problème de l'amour au moyen âge. — 8. Le sens de la querelle du pur amour. — 9. Essai de synthèse.

1. LA DONNÉE DE L'ANCIEN TESTAMENT

1° Promesses et rétributions.

— Dieu par ses promesses et ses rétributions semble inculquer à l'homme les principes d'une morale intéressée. Pourtant, c'est à la charité qu'il veut le conduire. 1) Ses promesses sont en effet des faveurs insignes qui préviennent ou dépassent infiniment tout mérite des...

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